Que de chemin parcouru depuis le rêve du petit garçon que j’étais, à la dure réalité adulte ! Tout enfant, je cultivais le désir de devenir artiste. Quel mot magique sonnait dans mes petites oreilles ! et je voulais le prouver. Tout ce qui donc me tombait entre les mains subissait les caprices de mes manipulations les plus folles.. Aucune limite ne pouvait m’empêcher d’associer dessin ou peinture, au modelage, à l’assemblage, et à la sculpture. Du bricolage somme toutes que je trouvais plaisant à faire. Je découvrais ma passion pour le travail manuel, et la pauvreté des moyens mis à ma disposition m’obligeait à me tourner vers ce que je trouvais autour de moi comme objets de récupération : papier, carton, pierre, boue, sable, fil de fer, boîtes de conserve, toile de jute ou vieux chiffons... me permettaient de créer des objets, pour ne pas dire, des œuvres, pour le moins plaisants et insolites, et à travers lesquels je donnais libre cours à mon imagination et à mon expression.. Mais le dure réalité de la vie m’obligea, comme presque tout le monde, à m’orienter vers des études dont la nature est loin de me permettre un quelconque épanouissement dans ce sens ; je voulais devenir avocat ! Finalement, c’est un autre chemin, tout aussi sérieux que j’entrepris d’embrasser : le commerce. Toute mon énergie se focalisa sur le travail et la famille. Et ma passion semblait éteinte. Mes cinquante bougies brûlées, ma première véritable crise existentialiste se manifesta. C’est l’étincelle qui provoqua la flamme ; et quelle flamme ! Ma vie professionnelle et familiale comblées, la passion qui habitait l’enfant que j’étais surgit subitement. L’art commença à susciter de plus en plus d’intérêt dans ma vie. Tout se qui s’y rapporte m’intéressait peinture, sculpture, architecture, visites de musées, au hasard des voyages que j’effectuais en Europe ou ailleurs.. Je décidais enfin de mettre la main à la pâte ! Le désir de vivre autrement, et autre chose, me poussait à aménager un espace/temps personnel au milieu de cette vie active de tous les jours, professionnelle, sociale, et familiale. La peinture, la toile, les pinceaux ouvraient devant moi un autre monde, fascinant et magique. Je fréquentais de plus en plus des ateliers que mes amis artistes ouvraient devant moi, et j’eus la chance, par le biais d’un grand ami, de découvrir une grande collection de peinture d’une fondation très connue à Casablanca. Quelle fascination devant tant de toiles de maîtres marocains ! Une brèche venait de s’ouvrir dans ma vie, et avec elle, enfin, l’échappatoire ! Une véritable renaissance, maintenant ! aujourd’hui ! A présent, je fais de temps en temps des arrêts, des pauses, pour réfléchir, pour apprécier mon bonheur, et voir ma progression. Ma peinture s’améliore de jour en jour. Et c’est paradoxalement dans les yeux des autres, amis, famille, artistes, que je puise mon énergie. Leurs encouragements et leurs sollicitations me sont nécessaires, et me poussent toujours à m’investir plus dans mon art, à aller de l’avant, en quantité et en qualité. Une force, un geste, une expression.. Les thèmes de mes peintures sont puisés dans la vie ordinaire, typiquement marocaine. Beaucoup de scènes qui surgissent de la mémoire de mon passé font l’objet de mes tableaux : marchés traditionnels, souks, places publiques, ruelles avec arcades et personnages, coupoles et maisons traditionnelles, architecture de différentes régions du Maroc, terrasses … Les sensations que j’ai toujours éprouvées devant ces spectacles m’ont amené à choisir une technique qui met bien en valeur le thème de mes œuvres et l’impression que je cherche à en donner. Avant d’être des murs, une maison est d’abord un lieu convivial, un regroupement de personnes, des sentiments divers, une vie, des vies ! Une place est un lieu avec une âme.. Et c’est justement cette âme qui intéresse ma démarche. Ma peinture, par les divers procédés que j’utilise, essaie de restituer cette ambiance. De rapides coups de spatule (peinture étalée au couteau) contribuent à faire vivre cette sensation et résument ma démarche comme suit : une force, un geste, une expression. La palette, élargie du rouge le plus éclatant, au bleu le plus décoloré, contribue à amplifier cette sensation, et recrée, par ses vibrations, toute l’âme de la scène où le détail n’a pas sa place. Une sorte d’ellipse, sans bavardage, sans surplus, vasant l’impression essentielle donne l’illusion de la facilité. Loin de restituer un lieu, c’est une impression, une âme que je m’efforce de mettre en œuvre. Mohammed Berrada Après une carrière consacrée au commerce, il s’oriente à partir de 2002 vers la peinture qu’il pratique d’abord en autodidacte amateur. Depuis, il ne cesse de peindre et d’exposer un peu partout, au Maroc et à l’étranger. Il participe régulièrement à des manifestations culturelles, artistiques et associatives. Et son travail lui permet de côtoyer des espaces d’art et des ateliers d’artistes en permanence. |