Il est des artistes qui nous paraissent surgis pour accomplir une nouvelle fois une œuvre par un travail hors du commun et intemporel de la matière. Le sculpteur Jacqueline Rollin est de ceux-là.
C’est dans la glaise que l’artiste va rechercher la genèse même de la vie, celle que l’on exhume de la terre.
Dans les années 90, il y eut d’abord les corps de femmes que Jacqueline Rollin apprend à travailler sous l’égide de différents sculpteurs. De petite dimension, les formes sont encore académiques.
En 2000, C’est le choc esthétique, devant l’immense armée de guerriers et chevaux en terre cuite, grandeur nature, exhumés du site de Xi’an. Cependant de retour à Paris rien ne parait du grand bouleversement qui se fera, dans le travail de la terre à l’occasion de ce voyage que l’artiste effectue en Chine.
En 2006, le moment est enfin venu pour Jacqueline Rollin de mettre un terme au temps de réflexion nécessaire à la maturation des œuvres. Le souvenir des guerriers à jamais fixé dans sa mémoire et quelques croquis de leurs coiffes et coiffures dessinées in situ par l’artiste, lui suffisent à repartir au combat de la matière. Et ce sont de fulgurantes sculptures de bustes de guerriers chinois qui naissent l’une après l’autre entre ses mains.
Dans cette série de bustes, le style de Jacqueline Rollin s’affirme à la mesure de sa vision : de plus grande dimension, les formes sont nobles, élégantes et hiératiques. Mais les visages laissent déjà entrevoir ce qui caractérise désormais le travail de l’artiste : la traduction d’une profonde humanité. L’expression s’adoucit, le caractère méditatif s’installe dans les traits. Sans jamais perdre leur caractère noble et majestueux. Ces oeuvres, distillent alentour l’apaisement de l’âme tout en laissant, pour certaines, fuser une pointe d’humour par un indicible sourire
C’est en 2006-2007 que Jacqueline Rollin révèle son talent de sculpteur de l’âme. Les têtes de guerriers chinois acquièrent une identité marquée, selon l’inspiration de l’artiste
Dans la même veine, des têtes de femmes chinoises entrent en scène aux côtés des guerriers, apportant à leur vigueur, une douceur naturelle bien perceptible,
En 2008 ce sont des visages d’africains et une nouveauté d’importance dans son travail : l’emploi de terres de différentes couleurs qui remplacent le travail de la patine si important dans sa période chinoise.
Les créations de l’artiste qui travaille toujours sans aucun modèle, laissant ses mains agir sans guide et sans contraintes, pour révéler des personnages à forte personnalité et, au-delà, imposant en toute discrétion leur silence éloquent et leur présence humaine.
Au-delà de leur force, les sculptures de Jacqueline Rollin sont vivantes. Si vivantes que l’on peut les entendre penser et les voir murmurer, et l’on prend plaisir à les toucher.
Les voilà devenues étranges, fidèles et solides compagnons de leurs acquéreurs.
Les voilà devenues personnages à part entière du XXI siècle.